Alter ego par Didiot Potager

extrait de Tout Le Gentil Garçon, ed. Les Requins Marteaux, 2011

 

Alter ego : voir Le Gentil Garçon : C’est pas moi, c’est l’autre !  Simultanément « moi » comme « ego », et « l’autre » comme « alter ».  « Identité et Altérité » dirait l’académicien Jean Clair qui sur le sujet en connait un rayon (Identité / Altérité est le titre de l’exposition organisée par J.C. au Palazzo Grassi, pour célébrer le centenaire de la Biennale de Venise). Alors, le même ou le dissemblable ? «  un autre soi-même » confirme Balzac dans Les paysans, (p.155). A l’origine, la chose est assez claire : en Espagne, au royaume des Deux-Siciles, la personne à qui le chef du gouvernement délègue les pleins pouvoirs pour agir en son nom. Bientôt, partout, le terme fait florès. Il désigne Ben-Aïssa, lieutenant, ministre, confident d’Ahmed-Bay (F. Normand, Larousse du XIXe, 1886). Alter ego : synonyme de  « vice-roi », ou de « vice –président ». Donc, tout de même,  un peu du côté du « vice » ! Façon Docteur Jekyll et Mister Hyde ; le double, plus « alter » qu’« ego ». La part d’ombre de l’« ego », sa doublure maléfique. Celui qui transgresse, qui crache le morceau. Eminem en troubadour fleur bleue, Slim Shady en desperado hideux (suck my dick !). Gainzbarre qui ne dit que des gros mots, quand Gainsbourg boit de l’eau.

On croit le deviner, l’art a creusé un gouffre entre « moi » et l’ « autre ». Duchamp le blagueur, l’iconoclaste, confiant à Rrose Selavy la réalisation d’un « art de précision». Cézanne attribuant à Popaul, ses œuvres trop « couillardes ». Quel arrière monde d’infamie dissimule le masque niais du « gentil garçon » ? Nietzsche nous avait mis en garde : méfions nous de l’affichage des bonnes intentions. Oh que l’époque moderne a retenu la leçon ! Plus aucun banquier ne croit aux bonnes intentions de visiteurs affublés de masques présidentiels.

Au siècle du trou d’Ozone, des subprimes et de Céline Dion, afficher sa « gentillesse » relève de la provocation.

Au début, était le « gentil garçon ». L’artiste, (« gégé » ou un autre) lui avait donné un visage, une bouille débonnaire, un « smiley » bosselé, fait de pâte à papier. Il apparaît dans les premières œuvres du « gentil garçon » : Délits de sale gueule, une série de vidéos de 1998-99. Arborant cette tête affable et ridicule, l’artiste, fut forcé d’en convenir : notre époque se méfie du bonheur. Admettons quand même que la ficelle était grosse ! Après Van Gogh, Bacon ou Damien Hirst faire accroire au bon peuple, que l’art moderne est une partie de plaisir méritait une sanction. Il faut être américain pour prendre au sérieux Jeff Koons et son masque de gendre idéal. Notre artiste lui, fut sommé de remiser sa tête de « gentil garçon ». Depuis, il traîne sa mine patibulaire de Musée en lieux d’exposition. La tête de son « alter ego », au fond d’un grand placard, attend des jours meilleurs. L’art contemporain préfère décidément le loup aux trois petits cochons : vivement les vacances! 

      

 

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adaptationSMALL Nicolas Cage, Adaptation, 2003